Dans nos têtes de grands, il y a un temps pour le jeu, un temps pour la vie.
Or, dans la tête de nos petites utopies, ces frontières n’existent pas.
La vie est un jeu.
Je suis une maman Peter Pan.
Un pirate qui fait son possible dans le grand remous du quotidien.
On me le me reproche souvent d’ailleurs; de trop et de ne pas assez.
Trop de questions. Trop de doutes. Trop d’amour. Trop agressive. Trop sensible. Trop de mots. Trop d’énergie. Trop brute. Trop têtue. Trop intense. Trop d’imagination…
Trop. Annick, c’est trop.
On dit que la pomme ne tombe pas loin de l’arbre…
Quand je portais mes fruits, je me caressais la peau du nombril comme on flatte la lampe du génie en répétant « je souhaite générer des punk, des audacieux, des entêtés, des différents, des esprits libres!»
Mes fruits sont tombés.
Ils sont indéniables. Vivants, bruyants, imparfaits, surprenants, hors normes.

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Je porte fièrement mon t-shirt I love weirdos 😉
On est donc trois trop. Chez nous, malgré les heurts et le bruit, on a ben du fun et on fait pas mal de miles sur les réflexions que notre triangle stimule.
On médite beaucoup sur la norme et les réflexes arbitraires de catégorisation, les étiquettes.
Ainsi, en plus de mon attachant petit poète aux bouclettes sucrées, enfant autiste, j’éduque une princesse-goaler qui botte des culs, des stéréotypes et tous les concepts du genre des jeux.
Que les géants du marketing séparent les intérêts des enfants par couleurs gars-fille, chez nous, depuis toujours, on s’en bat le moignon et on fait ce qu‘on veut.
Laisser son héritier masculin jouer avec des légos roses et quelques froufrous en privé peut, peut-être, encore passer pour plusieurs. T’sais si ça reste anecdotique et qu’il tripe quand même sur les camions…
Entre deux haussements d’épaules qui se veulent détachés, on investit quand même plein d’espoir que cet intérêt pour les couleurs de fille ne fera pas de lui une fifi qui tripe su’l ballet et on se surprend à pousser quelques blagues qui nous rappellent que 2015 n’est pas si loin de 1950…
Or, mon fils s’habille en princesse, parfois en fille (aux goûts douteux!) et oui, il sort de même.
Et dont mess with my princesse
Pour rassurer les gens qui parfois le toisent avec un regard oscillant entre perplexité : «tu laisses sortir ton fils de même?» et admiration «oh! Il est mignon! Bravo de ne pas vous en formalisez», je leur dis que je ne suis même pas inquiète. Qu’il est encore petit. Qu’il y a de forte chance que ça lui passe et sinon ben basta! Il saura que sa famille n’est pas répressive et qu’il a le droit entier d’être lui, tout lui!
Humblement, surtout, je n’en sais rien. Je ne sais pas si ça lui passera. Et n’espère rien non plus. Je lui souhaite le meilleur et la totale et agis en fonction.
Même si je sais ben, que si vraiment mon fils est une fille ou une princesse pour toujours…il ne l’aura pas facile…
Mon fils s’habille en princesse depuis lurette, il aime se coiffer comme une fille, il préfère les chaussures à talons qu’il salit dans la bouette, il se fout des standards, des regards. Ses comportements sont ouverts, non genrés…hors normes et plein d’arrogance affirmée et libre.
Même si je lui explique que techniquement, il n’est pas une fille, que je lui présente les faits, je lui laisse l’espace pour être, explorer. Alors, fils 2 maintient son propos et nuance :
«Maman, dans mon corps je suis un garçon, dans mon coeur je suis une fille.»
Je trouve cet équilibre sensible et magnifique.
Nos enfants se construisent en observant, en s’opposant, en créant et osant. Bien plus qu’avec nos mots, ils apprennent par la cohérence de nos gestes et l’alignement de nos valeurs.
Ils arrivent à coeur ouvert dans le monde qu’on leur offre et leur vision se teinte de nos peurs, nos valeurs, nos vieux bagages et nos balises de grands qui perdent du souffle dans la côte.
Ainsi, si je me fie à l’héritage naturel de ce petit paquet humain que mon utérus a gossé, je n’ai pas à lui enseigner l’ouverture. Il est sans à priori et ouvert.
Pour rester vivante et parce que mes fils m’offrent chaque jour l’opportunité de décapiter des réflexes de protection inargumentables, je leur laisse le loisir de me confronter.
Ainsi, pour tester la cohérence entre mes élans lyriques et ma siiii vertueuse ouverture, sur le terrain, mon fils a choisi, en guise de chaussures estivales, «des petites chaussures de filles». À l’achat, alors que j’ai chocké pour des typiques sandales bleues, j’ai réfléchis et me suis fait ce pacte : En lui offrant support et explications, je me promets de laisser, au maximum, libre cours aux excentricités de mon fils. Dans l’espoir de calmer mon anxiété maternelle pour la suite du monde je n’imposerai pas à son éducation les stéréotypes qu’on m’a inculqués, j’accepterai de poser un regard nouveau sur le genre et oserai avec lui transgresser des frontières et vivre avec certains malaises.
Le jugement d’autrui il y sera exposé de toutes manières, aussi bien saisir l’opportunité de lui enseigner à le confronter ou à s’en battre les couilles maintenant.
L’identité de mes enfants n’est pas définie par leurs choix d’activités, les couleurs, les jeux qu’ils préfèrent et les vêtements qu’ils portent. Leurs choix ou personnalité actuels ne sont pas immuables.
Je sais que mes enfants changent et tous les jours je leur laisse le loisir de se réinventer.
Genrer est céder à la peur irrationnelle de non conformité et c’est offrir cette peur de la différence, de l’audace en héritage à ses enfants.
Malgré que oui, un certain trouble lié à l’identité et aux stéréotypes existe en moi, je refuse qu’il soit moteur de leur éducation.
Ainsi, désormais, quand quelqu’un demande pourquoi il est habillé en fille, parfois mon fils ne se retourne pas et je le laisse tranquille, mais parfois, je redirige la question.
Et il répond alors comme un chef :
«Parce que j’aime ça!» dit-il en poursuivant son chemin.
Ainsi, quand je vois ce fils se tenir debouttt du haut de ses presque 4 ans en enfilant sa robe, ses talons pour aller jouer au hockey et affirmer ce qu’il aime, ce qu’il veut en se foutant pas mal des attentes et des petits malaises des autres gars de la ruelle, je me rassure.
Je me répète qu’il a du culot pour tout ceux qui baissent les yeux, que tout est parfait et malgré l’incertitude, j’apprends.