Manifeste I

MANIFESTE POUR UNE ÉDUCATION INCLUSIVE ET COHÉRENTE

NOUS.

Je suis Annick Daigneault, maman deux fois, entrepreneure et présidente-fondatrice de Sur le Fil, Fondation pour l’Inclusion et la neurodiversité.

L’un de mes deux fils a aujourd’hui 7 ans. Adorable enfant dynamo, volontaire et rieur, Maël est l’un des premiers enfants autistes diagnostiqués à être entré en maternelle à l’école alternative Rose-des-Vents.

Maël n’est pas un athlète du spectre de l’autisme. Il ne peint pas d’œuvres impressionnistes, se fout du nom des constellations et ne reconnaît pas les notes que je fausse quand je lui fredonne Le Petit Bonheur avant qu’il (ne) s’endorme (souvent pas…). Il a communiqué avec des signes de base pendant 4 ans et a fait des centaines de crises spectaculaires dans autant de lieux inopportuns. Il égratigne ceux qu’il aime, sème des cœurs de pommes et étampe ses «je t’aaaaaime» sur nos joues-galettes.

Il ressemble à plusieurs autres enfants : unique, imparfait et magnifique. Je ne suis ni désolée de son état ni en croisade pour le normaliser ou l’en libérer.

Les bénéfices de l'inclusion

 

À l’école, nous sommes, le papa et moi, très impliqués, en bons termes avec la communauté, la direction et les profs. Nous collaborons et œuvrons tous dans le même sens avec beaucoup de lucidité, de gratitude et une volonté hors du commun afin de réussir son inclusion.

Ainsi, bien que houleuse et remplie de défis, cette expérience me permet d’affirmer de sa nécessité et de ses bénéfices réciproques. L’inclusion permet aux enfants de confronter leurs réflexes quant aux codes sociaux et au rythme d’apprentissage. Ils développent leur ouverture à la différence et trouvent des solutions créatives à des situations improbables. Maël apprend de ses pairs, s’inspire des comportements positifs de chacun et bénéficie grandement du pairage et des effets du groupe multi-âge.

Telle que la mienne, et celle de plusieurs communautés scolaires, la volonté du ministère de l’Éducation, du Sport et des Loisirs envers l’éducation est de nature inclusive. Dans l’élaboration de la politique d’intégration adoptée en 1999, le gouvernement considère la classe « ordinaire » comme étant la norme pour l’ensemble des élèves. Sans égard pour leurs défis ou leurs handicaps, ceux-ci devraient pouvoir évoluer dans leur milieu selon les valeurs de la famille. Elle stipule notamment que les méthodes pédagogiques et les programmes se doivent d’être souples pour favoriser l’inclusion du plus grand nombre et que tous les efforts nécessaires doivent être déployés pour aider ces élèves à réussir.1

Pourtant, une dichotomie majeure entre la politique, la réalité terrain, les pratiques syndicales et organisationnelles compromet la réussite de nos enfants.

En effet, certaines clauses des conventions collectives du personnel de soutien telles que : la préséance de l’ancienneté sur la compétence, les contrats octroyés en surcroît, en plus de l’impossibilité pour les directions d’intervenir dans la sélection ne sont que quelques exemples de ce que nous croyons être urgent de mettre en lumière avec l’espoir de contribuer à l’amélioration des conditions de vie des enfants, des familles et des communautés scolaires.

SIGNER LE MANIFESTE

VALSER AVEC LES CONVENTIONS

 

Dans le domaine social, comme en éducation, le temps, la cohérence et la qualité de la relation sont des leviers puissants d’émancipation. Chaque année, le mouvement de personnel attribuable à la clause du surcroît et à l’ancienneté, engendre une valse du personnel, compromettant la continuité et la qualité des services offerts aux enfants.

L’exemple de la situation vécue par notre fils n’en est qu’un (parmi trop d’autres).

En juin 2013, suite à des restructurations administratives et des conditions implicites d’un poste créé en surcroît, la CSDM a exigé l’abolition des postes d’accompagnement sur l’ensemble de son territoire afin de valider, en théorie, les besoins des enfants en temps réel et d’éviter l’octroi de services à des absents. L’accompagnatrice alors en poste à l’école de notre fils a perdu son contrat.

À la mi-septembre 2013, après 4 semaines sans service, une nouvelle accompagnatrice s’est jointe à l’équipe de l’école Rose-des-Vents. Sa présence de 30 h assurait alors le succès de l’inclusion de 3 élèves, dont celle de Maël, qui nécessite à lui seul un service d’au moins 20h.

En décembre 2013, après 20 semaines de travail acharné de part et d’autre et d’engagement dans la relation, à quelques dodos de Noël, on nous annonçait que le poste en surcroît était remis à l’affichage pour devenir permanent, (en cours d’année!)

C’est ainsi, qu’une nouvelle accompagnatrice, inconnue, mais possédant plus d’ancienneté allait entrer en poste le lundi suivant sans qu’aucune période de transition ne soit prévue.
Alliée avec le personnel de l’école et les parents, nous avons donc, en décembre dernier, confronté diverses instances allant de M.Charles Allen, président de l’Association professionnelle du personnel administratif (APPA-CSN) à Mme.Louise Chénard protection de l’élève, et ce, dans l’espoir d’assouplir la règle et permettre une mesure plus humaine.

Cet acharnement nous a permis d’obtenir une transition d’une semaine et de reporter le départ de la première accompagnatrice au retour des fêtes. Nous avons provoqué un délai, insufflé un peu d’humanité dans la procédure… mais nous n’avons rien changé au fond du problème. Nos gains sont éphémères et exceptionnels.


À quelques nuances dans l’application des conventions collectives par certains syndicats et selon les territoires, cette instabilité est vécue partout à travers les écoles de la province et compromet la réussite de l’inclusion et du cheminement scolaire des enfants aux besoins particuliers.

LE CHEMINEMENT PARTICULIER, UNE NOUVELLE NORME?

En 2011, lors du dernier recensement du ministère de l’Éducation, du Sport et des Loisirs, 31 669 élèves aux défis variés fréquentaient nos établissements scolaires. Parmi ceux-ci, 8 318 avaient un trouble du spectre de l’autisme (TSA), 3 523 évoluaient en intégration et, parmi eux, certains vivaient l’expérience de l’inclusion avec succès.2

Alors que la connaissance des besoins des élèves atypiques et le nombre d’élèves intégrés croissent, entre 2002 et 2006, le taux d’intégration est passé de 61,3 % à 64,8 %3, le budget pour les services diminue4, la formation universitaire stagne et maintient les silos de connaissances (Baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale vs Bacc. en éducation) et peu de temps alloué aux pratiques inclusives), les ressources de formation continue manquent et la pression sur les ratios augmentent (classes en surnombre dans lesquelles se trouvent plusieurs enfants avec un plan d’intervention).

Pour soutenir l’inclusion d’un enfant en milieu régulier, la commission scolaire prévoit actuellement un budget équivalent, généralement, à environ 10 h de services. Ce qui s’avère, dans la plupart des cas, trop peu.

Lorsque cette situation est dénoncée par les parents, ceux-ci se voient référés à un établissement spécialisé ou encore une école régulière offrant des classes spéciales.

Ce qui revient à abdiquer collectivement à l’expérience d’inclusion valorisée par la politique provinciale.

La volonté y est, mais l’action est dissipée et peu concrète. Conséquences : la charge et la pression de la réussite de l’inclusion reposent sur des enseignantes débordées qui déplorent le manque d’outils et sur les familles étourdies par les incohérences d’un système qui tarde à s’adapter.


C
hacun se démène en solo afin de faire respecter les droits des enfants à jouir d’une éducation, telle que prescrite par le ministère de l’Éducation, du Sport et des Loisirs: inclusive et harmonieuse

CONFRONTER ET AGIR À L’ÉCHELLE NATIONALE
(Lire les propositions détaillées)


Afin que notre système d’éducation soit véritablement inclusif, des changements majeurs doivent être apportés et n
ous souhaitons y contribuer. D’abord, une révision de la convention collective du personnel de soutien est nécessaire afin de favoriser la stabilité des services. Ensuite, il serait opportun que la formation soit bonifiée au niveau universitaire et que les notions d’adaptation scolaire et d’inclusion deviennent partie prenante du bacc. Troisièmement, il faut investir dans l’éducation en augmentant entre autre les services adaptés, en réduisant la pression sur les ratios des classes et en collaborant d’avantage avec les organismes locaux et en diversifiant les sources de financement des services et les divers partenariats possibles.

Le cheminement particulier n’en sera peut-être bientôt plus un…

À nous de répondre avec souplesse et innovation aux nouvelles réalités qui nous définissent et d’investir ce qu’il faut d’énergie, de confiance et de ressources dans le potentiel des enfants atypiques.

En recentrant les actions administratives et syndicales sur la mission de nos écoles, sur une vision plus holistique des avantages de chacun, surtout, sur les besoins des enfants, nous sommes convaincus que nous y gagnerons collectivement.

SIGNER LE MANIFESTE


 

RÉDIGÉ PAR:

Annick Daigneault, Présidente Fondatrice de Sur le Fil, Fondation pour l’Inclusion,
Maman, conférencière et entrepreneur


CO-SIGNATAIRES DU MANIFESTE:

Dr. Gilles Julien, fondateur de la pédiatrie sociale, pédiatre parrain et mentor de Sur le Fil
Maude Pugliese, bachelière en ingénierie, candidate au doctorat en sociologie Université de Chicago
Isabelle Lajeunesse, enseignante école alternative Rose-des-Vents
Mélanie Caouette, ergothérapeute
Stéphanie Deslauriers, auteure, conférencière et psychoéducatrice
Geneviève Labelle, sexologue, maman d’un enfant atypique
Denise Legroulx, psychologue scolaire, maman d’un enfant asperger
Fannie Rochefort, étudiante Comptabilité/bureautique et maman d’un enfant asperger
Johanne Leduc, présidente du Salon National de l’autisme, maman d’enfants autistes
Martine Asselin, réalisatrice, maman d’un enfant asperger
Lucilla Guerrero, artiste, asperger, co-fondatrice Aut’créatifs et maman d’un enfant asperger

Des dizaines de mains ont aussi contribué à son évolution, merci à tous ceux qui se reconnaissent pour leur intelligence, le partage de leurs connaissances et leurs conseils.



Références:

1 Résumé de la politique d’intégration scolaire http://bit.ly/1jUtz0g

2 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2011). Année scolaire 2010-2011 (données provisoires), Québec, MELS, SPRS, DRSI, Portail informationnel, système Charlemagne

3 L’intégration scolaire au Québec. Regard exploratoire sur les défis de l’enseignement au primaire et préscolaire http://bit.ly/1srXwIU

4 Article du Devoir Compression services aux élèves http://bit.ly/1jUtEB4

5 réflexions sur “Manifeste I

  1. Denise Hamel dit :

    BRAVO ! un grand pas, nous sommes maintenant capable d’amasser ensemble 1000 signataires et plus. GOGOGOGOGO!

  2. Valérie dit :

    Ce manifeste me touche beaucoup…

    Je suis éducatrice spécialisée auprès d’enfants possédant un TED.
    En début d’année, je travaillais auprès de 4 jeunes intégrés en classe régulière, j’avais seulement 17h30 par semaine d’octroyé pour le poste, ce qui est amplement insuffisant à mon avis pour répondre aux besoins des enfants.

    Je possède un BAC en psychoéducation comme formation. Au cours de cette formation, nous avons effleurés le sujet des troubles envahissants du développement à raison de 2h, et ce dans le cadre d’un cours en déficience intellectuelle (et comme nous le savons, les gens possédant un TED ne possèdent pas tous une DI).

    En milieu d’année, j’ai obtenu un poste en école spécialisé pour élèves avec TED… Pourquoi en milieu d’année? Et oui, le poste n’avait pas été créé en début d’année, c’était alors un surcroit: 2 changements d’intervenants et 9 élèves déstabilisés.

    Ne lâchez pas, les enjeux sont importants!

    • Annick dit :

      Merci Valérie pour votre travail auprès des enfants. N’hésitez pas à partager et inviter vos collègues à joindre leur voix et à témoigner de leur réalité.
      Au plaisir de collaborer.

  3. Jennifer Tremblay dit :

    De tout coeur avec vous !

  4. Pauline F. Girard dit :

    Bonjour,
    Je ne suis ni éducatrice ni en relation avec des autistes. J’ai été attiré par le livre de Kristine Barnett « L’étincelle, La victoire d’une mère contre l’autisme » (version originale anglaise « The Spark; A Mother’s Story of Nurturing Genius ») parce que je m’intéresse aux sciences. Je recommande la lecture de ce livre, de préférence en anglais si cette langue vous est familière car j’ai trouvé que la traduction française, adaptée pour un publique de la France, laissait à désirer. C’est le parcours d’une mère qui, pour laisser son fils autiste se développer, favorisa ce qu’il aimait faire. Cet enfant est entré à l’université à l’âge de neuf ans et est maintenant considéré comme un génie. Tous les autistes ne sont pas des génies mais lisez ce livre jusqu’à la fin car le dernier chapitre est à lire. Il y a pleins d’idées dans le parcours de cette mère qui a fondé une école pour les autistes aux États-Unis. Elle a favorisé pour ses garçons l’intégration avec d’autres autistes mais aussi avec des enfants normaux. Voir le siteweb http://www.jacobbarnett.com
    Bonne chance à toutes les familles côtoyant des autistes.

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