Au retour d’une fête faste et bubbly, je rentre au bercail, éméchée joliment et affamée.
En traversant l’un des très peu respectés passages piétonniers de la rue St-Laurent, je vois dans mon angle mou, l’une de nos nombreuses institutions de pizza à croûte cheap.
J’analyse mes options de foie gras dans des choux de Bruxelles ou de poutine livrée chaude à domicile.
…
hum
…
Nulles
…
Je fonce donc sur la pizzéria, déterminée à me gaver comme un nourrisson sur sa première têtée.
Un troupeau de mecs occupe le lobby crasse, (ils squattent la fucking porte).
D’autres types épars, semi cachés dans leur tuques sales, gisent le long du mur en louchant.
J’ai la sensation de pénétrer un club privé version glauque…
En entrant, je lâche un salut d’aisance, comme si le monsieur tanné qui garroche les pointes au four était mon oncle! C’t’un truc, exagérer me donne de la contenance pis fuck, je veux juste une pizz.
Fait qu’un coup le hall alpha traversé,
Je m’avance au comptoir et attends ma pizza comme un chasseur son chevreuil. Drette, focus, silencieuse et confiante.
Au moment de quitter le site bucolique avec mon butin de pointes, le troupeau du portail, amorce la « conversation ».
– Eh! Salut! T’es belle!
– Merci!
– Veux-tu m’embrasser? (Let’s not waist time man! Drette au but! Que je me dis)
– Peux pas, j’ai la bouche pleine!
– Envoueille, j’ai toujours rêver de coucher avec une cougar » (SIC!)
– C’est cute…
En 4 phrases, on passe d’inconnus à livre ouvert.
En 4 phrases on passe de salut à tout nu!
Je souris de sa délicatesse.
V’là un convaincant qui exprime son potentiel avec verve et attrait…
Encore de bonne humeur, un brin coquine certes, je ne me formalise pas de l’approche sans préliminaire et lui lance en riant;
– Dommage! J’en connais pas! de cougar J’espère que tu vas t’en trouver une! Bonne nuit! »
Puis, je poursuis ma route.
Alors que je tourne le coin pour emprunter une transversale plus calme, il me crie; je veux un bisoooooou et reste, heureusement, tranquillement en position de vigie, en mode grégaire dans le temple du pépéroni.
Je continue donc guillerette ma trotte, presque soulagée, quand apparaît à mes côtés l’ami ivre de mon Rimbaud de la Maine.
– Quoi! Ça va finir comme ça!? Il veut juste un bisou!
– Non! Bonne nuit.
J’avance.
Il me suit.
– Eh! C’est quoi un bisou!? C’est rien pour toi un bisou! Quoi? Il est pas de ton goût! On est beaux non? Ça te tente pas un jeune? J’étudie en économie et lui en droit! Allez! À moi! Fais-moi un bisou à moi! Je vais lui rapporter! »
– Non!
Il insiste. J’avance. Il me suit.
– Demain, je lui réponds, quand je serai en mode intervention. Je vous ferai un bisou!
– Quoi tu es dans la police?
– I wish. Mais non, je travaille en garderie. Ce soir, je suis en congé, je ne m’occupe pas des enfants des autres!
– Quoi!?
Oh! Ok! Tu ne veux pas! Donne-le à moi! Donne-le ici le bisou. Fais-le ici! Ouais c’est ça! Yo! T’es une salope!
4minutes. 2 pointes. 150 caractères. 1 coin de rue.
Eh hop! On s’égare en égo, en intensité pis en insultes.
De dream babe à bitch.
À l’écouter je lui dois quelque chose…
Je suis à mi-chemin.
Fuite rapide? Secours?
Que Nenni…
Seule sur une rue sombre avec le galant
Pleine de patience et peu confiante en mes kata, je m’arrête.
Je regarde le kid aviné dans les yeux.
Entk j’essaie de lui pogner le flou du regard…
Je ne le trouve ni drôle ni mignon. Il me gosse et commence à troubler ma quiétude.
Mon arrêt sur image le déstabilise.
A défaut de mieux, pour passer le deux cent mètres qui reste, je me donne la mission d’éducation.
Je lui demande alors, sévère comme une mère, calme et ferme en me retenant de lui sucer un oeil ou de le frapper à coup de pointes, s’il sait ce que veut dire le consentement.
S’il a l’âge de changer lui même sa couche ou s’il faut que j’appelle sa maman pour qu’elle l’éduque et le ramène à la maison! S’il sait que ce qu’il fait est du harcèlement et s’il se rend compte que sa technique ne peut lui attirer que plus de claques que de pipes.
Arrivée à destination, je monte l’escalier, soulagée de mettre fin à cette brève et désagréable échauffourée. Je cherche mes clés dans ma trop grosse sacoche. Je sonne chez mon amour endormi.
L’aviné morron, persiste et du bas de l’escalier, trainant sa blessure narcissique plus lourdement que moi qui essaie de lever un piano, au moment où je passe la porte, se met à crier, avec ardeur et romantisme: je vas te faire la passe, tout ça combiné à une incantation de gars saoul, puis dans une grande finale désenchantée, me rappelle: le karmaaaa te rattraperaaaa…
En 4 minutes, 2 coins. 2 pointes. Tout est devenu frett.
la joke grotesque et son attitude creepy.
Même si je suis à l’aise avec les edges, même si j’ai de la répartie et assez confiance pour éduquer à 03h du matin ou hurler des insanités à qui de droit en frappant sur un hood de char avec des tites ailes d’ange accrochées au dos ou en bûchant avec humour sur l’estime des jeunes fringants qui pensent qu’une formation en économie pis un pénis c’est assez pour que tu cours tunue vers lui en jouissant plus fort qu’une tortue qui zigne sur une chaussure,
rendue sur le tapis de l’entrée de mon amour, qui ne comprenait rien à ma colère, en shakant comme une octogénaire su’l speed, l’appétit coupé avec la voix qui craque,
j’ai encore ressentie cette putain de vulnérabilité.
Et l’asti de peur.
Celle qui te fait marcher, depuis tes 15ans, les mains sur tes clés avec l’assurance d’un bulldozer alors quand dedans tu feel peanut. Celle qui te fait hurler, quand un graineur arrogant te supplie de le sucer ou te suis en char en t’insultant, plutôt que pleurer, de figer parce qui parait que « dont dip in crazy » c’est l’truc.
Avec les pointes tordues, dégrisée et agitée, je suis rentrée. En feelant mes quinze ans et toutes les filles qui n’y vont pas tuseule la nuit manger de pizz…
Je suis rentrée deboutte avec la certitude qu’il faille, entre 8 et 21 ans, parler de manière explicite, en amont des fêtes pis des flirts, de relations saines, de consentement, de sexe pis d’approche digne sans dick pic.
Parce que de remettre les prédateurs douteux à leur place, au bas de la chaîne alimentaire n’est pas toujours facile et s’en débarasser encore moins, il faut prévenir.
En attendant, que les hyènes dans les hall alpha se ferment la yueule, se ramassent le vice afin qu’on puisse circuler guillerettes et libres en souriant sans se soucier de devoir les gérer,
je compte sur vous qui éduquez des garçons pour en faire autre chose que des bêtes affamées et pathétiques. Je compte sur pour que les hommes soient charme et alliés.
Je compte sur vous pour rappeler à vos filles qu’elles n’ont pas à satisfaire un morron sur la maine ni un mononc aux mains longues et que c’est ok de leur en sacrer une, de faire des frette pis des malaises.
En attendant que ça passe, je compte sur nous pour que ça change. Parce que la pizz c’est meilleur chaud même à 3h du matin…